Le groupe de travail Europe s’est réuni à différentes reprises pour établir la présente note sur la prise en compte de l’agenda urbain européen dans les politiques d’aménagement du territoire en France.

Nous avons partagé le document de travail très détaillé sur le bilan et sur la feuille de route de la France sur les Objectifs du Développement Durable rédigé par Yves-Laurent Sapoval , Conseiller du directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages. (Document joint)

Par ailleurs nous nous sommes réparti la rédaction sur des exemples innovants d’interventions d’urbanisme pilotes à différentes échelles :

  • 1 Développement de l’économie circulaire
  • 2 Lutte contre l’habitat indigne et dégradé des cœurs de ville
  • 3 Revalorisation des centre bourgs pour lutter contre l’étalement urbain
  • 4 Planification Stratégique à l’échelle des bassins de vie.
  • DÉVELOPPEMENT DE L’ECONOMIE CIRCULAIRE

Dominique Lancrenon

Projet Cycle Terre – 2018-2020

Porté par la Ville de Sevran en Seine Saint Denis avec le soutien de l’initiative Urban Innovative Action (FEDER).

Les déblais représentent environ 90 % des déchets urbains : une problématique centrale pour tous les chantiers du Grand Paris. Le projet Cycle Terre vise à faire des terres excavées non polluées les nouveaux matériaux de construction des chantiers de demain.

Aujourd’hui, les déchets sont majoritairement entreposés dans des installations de stockage des déchets inertes (ISDI), dont les capacités d’accueil sont, en Ile-de-France, limitées.

Cycle Terre a pour objectif de proposer une réponse aux enjeux de gestion des terres excavées en offrant une nouvelle vie à la matière. « Avec le projet Cycle Terre, notre idée est de construire une chaîne de valeur avec 3 fonctionnalités : récupérer, trier, valoriser ».

Passer à une unité de production mécanisée, doit permettre d’améliorer l’accessibilité économique de ces matériaux de terre crue pour la construction issue des déblais. L’un des enjeux du projet est de définir à partir de quel volume le dispositif va devenir rentable ». La fabrique vise un objectif à moyen terme de 25 000 m3 de terre recyclées chaque année.

C’est aussi l’opportunité de développer l’économie locale à travers cette nouvelle filière, la formation et la qualification des entreprises sur la mise en œuvre de constructions en terre crue.

La terre crue, des bénéfices à la pelle :

  • STRATÉGIE TERRITORIALE DE LUTTE CONTRE L’HABITAT INDIGNE ET DÉGRADÉ

Chantal Guillet

Le 5 novembre 2018 à 9h, deux immeubles vétustes du centre-ville de Marseille se sont écroulés et 8 personnes ont été retirées des décombres.

Mise en cause pour sa politique d’urbanisme défaillante la municipalité a, dans l’urgence, pris 147 arrêtés de péril grave ou imminent et évacué 230 immeubles insalubres ou dangereux à travers la ville. 1 400 personnes restent à reloger sur les 2000 touchées par ces évacuations.

Qu’il s’agisse de grandes copropriétés à l’abandon ou des vieux immeubles du centre-ville, l’habitat insalubre est depuis longtemps une réalité marseillaise où, selon un rapport publié en 2015, 40 000 logements seraient concernés, bien souvent loués à des prix exorbitants à des publics précaires qui n’ont pas d’autre choix pour avoir un toit. Ce marché locatif dégradé dont les plus pauvres sont captifs existe en l’absence d’encadrement des loyers et d’offre de logements sociaux à la mesure des besoins.

L’ensemble des responsables à l’échelle communale, métropolitaine, départementale, régionale, et nationale a pris conscience de l’ampleur du problème et se mobilise aujourd’hui dans un programme à court, moyen et long terme au sein de plusieurs dispositifs cadres.

Cet effort en logements sociaux doit notamment être inscrit dans les documents stratégiques : le plan local d’urbanisme intercommunal, via les réservations foncières ou l’obligation d’un pourcentage de logements par opération et le programme local de l’habitat (PLH) en cours d’élaboration.

Outre  un engagement financier de 229,25 millions d’euros il est  demandé à l’Etat :

– La nomination d’un préfet délégué chargé de la lutte contre l’habitat indigne dédié à la coordination des dispositifs.

– La nomination d’un vice-procureur chargé de la lutte contre l’habitat indigne pour accélérer le traitement des dossiers, raccourcir la chaîne de décision et établir un lien plus étroit en la matière entre le Parquet et les collectivités.

– La constitution d’une Société Publique Locale d’Aménagement à Intérêt National (SPLA-IN) et d’une société patrimoniale chargées d’intervenir sur les périmètres prioritaires à l’échelle métropolitaine, –

– L’engagement d’une Grande opération d’urbanisme (GOU) sur le centre-ville de Marseille à travers un Projet partenarial d’aménagement (PPA), –  la création d’une Zone franche urbaine (ZFU) sur ce même périmètre pour contribuer à sa revitalisation complète et à la création d’emplois.

Lutte contre les marchands de sommeil

Le permis de louer sera expérimenté dès le 15 octobre 2019 dans le quartier de Noailles devenu le symbole de l’habitat indigne dans la ville depuis le drame du 5 novembre.

Dans ce secteur, les propriétaires auront l’obligation d’obtenir « une autorisation préalable de mise en location » après une visite des services de la Métropole avant de louer leur bien. Ce dispositif ne concernera que les bailleurs privés (80 % des logements dans le quartier) qui s’exposeront à une amende entre 5 000 € et 15 000 € s’ils ne déclarent pas leur location ou passent outre une interdiction.

Le permis de louer est une disposition de la loi de 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Sa mise en place est un choix de la collectivité locale.

  • REVITALISATION DES CENTRES VILLES

Sandra Huppe

Dès 2000, la loi Solidarité et Renouvellement Urbain met en lumière la nécessité de limiter la consommation des terres agricoles et naturelles pour une utilisation plus durable des sols. La batterie législative a depuis été complétée dont la dernière loi en date, la loi Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique de 2018, qui renforce les outils législatifs pour la revitalisation des centres villes.

Faisant face au constat d’une dévitalisation de plus en plus ancrée des centres des villes moyennes au profit de l’étalement des périphéries, un appel à manifestation d’intérêt « Centres-Bourgs » avait été lancé dès 2014. Ce programme national en faveur de la revitalisation des centres-bourgs visait à :

– dynamiser l’économie des bassins de vie ruraux et périurbains, en développant des activités productives et résidentielles ;

– améliorer le cadre de vie des populations, en offrant notamment des logements de qualité et un meilleur accès aux services de proximité ;

– accompagner la transition écologique des territoires et limiter l’artificialisation des sols liée à l’étalement urbain.

54 villes lauréates avaient été sélectionnées sur candidature pour un programme trisannuel et avaient bénéficié d’une enveloppe globale de 230 millions d’euros à cet effet.

Loin d’avoir suffi à enrayer le phénomène, l’AMI Centres-bourgs a passé le relai à l’Action Cœur de Ville lancée en 2018. 222 villes réparties dans toutes les régions bénéficient à ce jour d’une convention de revitalisation sur 5 ans pour redynamiser leur centre-ville. Chaque convention repose sur 5 axes structurants :

– réhabiliter de l’habitat en centre-ville pour une offre plus attractive ;

– favoriser un développement économique et commercial équilibré ;

– développer l’accessibilité, la mobilité et les connexions ;

– mettre en valeur les formes urbaines, l’espace public et le patrimoine ;

– fournir l’accès aux équipements et services publics.

Les projets de chaque commune s’appuient sur des cofinancements à hauteur de 5 milliards d’euros apportés notamment par la Caisse des Dépots en fonds propres et en prêts, l’Action Logement et l’ANAH. La gouvernance si elle est partenariale se veut essentiellement locale pour plus de pérennité dans les actions menées.

En complément, les projets locaux relaient les programmes nationaux. Le projet « Vallées habitées », expérimenté dans le l’Eure s’interroge sur les transitions à inventer pour un monde rural aux prises avec la périurbanisation des grandes agglomérations normandes et de Paris. Il se fixe comme objectif la mobilisation des ressources et des acteurs locaux autour d’actions concrètes pour la revitalisation des espaces désinvestis : habitat vacant, friches industrielles ou agricoles.

  • PLANIFICATION STRATÉGIQUE : SCOT et PCAET

Laurence Bertrand

Depuis l’an 2 000, dans le cadre d’une nouvelle étape de décentralisation, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) est un document qui permet aux élus des collectivités locales de définir et de mettre en œuvre une planification stratégique à l’échelle d’un large bassin de vie ou d’une aire urbaine. Il définit des orientations, des objectifs d’organisation spatiale, d’urbanisme, d’habitat, de développement économique, de mobilité, d’aménagement commercial, de préservation environnementale et climatique….Sa finalité est la mise en cohérence des politiques publiques locales pour mieux lutter contre l’étalement urbain, revitaliser les quartiers existants, notamment les centres-villes ou les bourgs afin progresser vers une gestion plus économe de la consommation des terres  agricoles et  forestières. Le SCoT cadre les Plans Locaux d’Urbanisme qui définissent plus précisément les règles d’urbanisme à une échelle communale. Les récentes réformes font évoluer ces documents à des échelles élargies : celle des Etablissements de Coopération Intercommunale (EPCI) pour les PLU(I) et celle de plusieurs EPCI pour les SCOT. Ces derniers deviennent les courroies d’articulation entre le niveau local et le niveau régional qui définit le Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable et d’Egalité des Territoire (SRADDET). Par ce jeu d’emboitement à la manière des poupées russes, les élus des collectivités locales disposent d’outils pour une meilleure maîtrise de l’aménagement du territoire sous réserve que l’Etat leur laisse la possibilité de pouvoir tenir compter des enjeux locaux en adaptant les directives nationales souvent encore trop uniformes.

Plan Climat Air Energie

Le Plan Climat-Air-Energie Territorial (PCAET) est un document de programmation des actions publiques de lutte et d’adaptation aux changements climatiques pour accompagner la transition énergétique. Il comprend un bilan carbone, des objectifs stratégiques et opérationnels, un programme d’actions concernant le patrimoine des collectivités mais les politiques locales sectorielles relevant de divers domaines (urbanisme, habitat, gestion des déchets, transports….). Le PCAET est obligatoire pour les Etablissements de Coopération Intercommunale (EPCI) de plus de 20 000 habitants depuis 2018. Au niveau régional, il est intégré dans le SRADDET et pour les EPCI de plus de 50 000 habitants, il est intégré dans le projet territorial de développement durable ou de l’agenda 21 local. Les PCAET doivent prendre en compte les SCoT et être pris en compte par les Plans Locaux d’Urbanisme.

Conclusions

Ces différents exemples traduisent les contrastes existant dans le pays entre les métropoles sous tension et pression démographique forte comme Paris ou Marseille, et les petites villes en décroissance :

Les enjeux de l’accès au logement et à l’emploi pour les plus pauvres et l’accueil des migrants sont particulièrement présents dans les métropoles.

La création de nouvelles filières en développant l’économie circulaire, en réhabilitant l’habitat existant, en développant une offre en habitat de qualité et accessible y paraissent prioritaires.

En parallèle, le groupe de travail a pu citer la nécessité d’encadrer le développement de locations de type Aibnb qui aggravent la tension sur l’habitat. Le permis de louer cité pour encadrer les marchands de sommeil dans les immeubles dégradés serait à étendre à l’habitat en général pour éviter ce type de surexploitation qui tend à accentuer la spécialisation des cœurs métropolitain entre l’accueil des touristes d’une part et des plus pauvres d’autre part.

Dans les villes petites et moyennes, l’enjeu prioritaire parait être le renouvellement urbain et la requalification des cœurs de ville pour en finir avec l’étalement urbain et retrouverr une attractivité fondée sur la valorisation des patrimoines urbains existants.

Les documents de planification stratégiques portent la construction politique de ces équilibres à définir à une échelle de bassin de vie large dont le fonctionnement démocratique demande le développement de la participation citoyenne.

Groupe de travail Europe pour la France

Chantal Guillet

Sandra Huppe

Dominique Lancrenon

Pascale Poupinot

Laurence Bertrand

Luc Emile Bouche Florin