Urbanistes et Culture

Contribution de la SFU au CEU, sur le thème « Culture des villes – Identité » 2001
Christophe MIGUET Architecte DPLG Urbaniste SFU/OPQU – contact@toutart.com

Culture comme objet

La culture des villes est un nécessaire objet d’expertise, tout aussi banal qu’important, pour les urbanistes. L’urbaniste doit imaginer la confrontation des savoirs techniques et des analyses avec le champ culturel… Alors que la culture touche la profondeur de l’âme : à quoi rêvent les gens, comment évoluent leurs attitudes. La transdisciplinarité est de mise avec les sciences humaines, la philosophie, voire la théologie et la morale.

Culture comme sujet

Quel ville on veut, quelle ville on vit : tel est le sujet du moment, en corollaire à l’interrogation permanente des urbanistes sur la démocratie. Par exemple, l’on sait que certains citadins (adolescents, immigrés, travailleurs habitant dans d’autres endroits que leur lieu d’activité…) ne sont pas forcément des citoyens (hommes actifs électeurs de nationalité française). Qui choisit la ville pour qui ? est une question d’urbaniste.

Culture comme fait

Les échecs et les succès de la société urbaine sont assis sur un terreau culturel que l’urbaniste tente d’identifier pour nourrir ses actions. Il ne se contente pas d’une culture énoncée (par des manifestations plus ou moins officielles), il associe la culture à l’homme et tente d’explorer le large champ de ses usages. Comme pour d’autres questions touchant la ville, il reste circonspect face à l’expression trop exclusive des cadres politiques et administratifs et des professionnels de la culture.

Culture comme éthique

Dans nos sociétés aux valeurs changeantes, l’identité culturelle peut autant signifier le dialogue avec autrui que le repli négatif sur soi. Aussi, l’urbaniste, comme d’autres de ses partenaires, véhicule l’idée qu’il n’y a pas d’identité culturelle sans éthique de l’information.

Culture comme fondement

On cite souvent la tradition de l’indien d’Amérique qui sait dès le plus jeune âge à quel point il est un être unique : nul ne peut le remplacer. Il sait tout autant qu’il existe des millions d’êtres qui lui sont semblables… La question ontologique – celle de l’être – est la question de l’urbaniste face à la globalisation. La société planétaire n’est pas seulement arraisonnée par la technique, le commerce et l’utilitarisme. La mondialisation n’est pas réduite à l’interpénétration progressive des économies. L’utopie de l’urbaniste est qu’à travers cette toile, chaque individu – citoyen du monde – soit le porteur fort d’un projet personnel comme savent le faire certains intellectuels ou certains artistes.

Culture comme représentation

Depuis l’avènement de la modernité, au siècle dernier, le sens des choses a bougé ; après l’éradication des mythes et de la théologie. Le rapport au territoire est en mutation : le village n’est plus la représentation sublime (subliminale) de l’identité culturelle et de ses accroches. Il en est de même avec la remise en cause du modèle de la ville européenne. L’on se sent appartenir à son quartier et à sa ville ; mais aussi à la France et à l’Europe, et peut-être au monde entier, grâce au développement fulgurant des réseaux. L’accroche est devenue immatérielle, les valeurs sont véhiculées par des images. L’urbaniste s’intéresse beaucoup à ses images qui témoignent des mouvements culturels au travers de nouveaux systèmes de représentation. Mieux encore, s’il en connaît les techniques de fabrication, il en perçoit d’autant plus les tromperies et les limites.

Culture comme changement

L’urbaniste s’interroge sur la problématique du changement. Les mouvements d’urbanisation et leurs conséquences sont l’ordre culturel de la ville. Un ordre de plus en plus sauvage car les riches ont de moins en moins besoin des pauvres et sont peu enclins à la solidarité. L’urbaniste cherche à comprendre ces changements avec une appréhension globale et (peut-être) une approche systémique des problèmes. Il prône un nécessaire décloisonnement des intervenants (les gens, les professionnels, les institutions…).

Culture comme partage

L’urbaniste ne confond pas la coordination des efforts à opérer pour le développement durable de la société urbaine avec un simple partage de compétences de gens spécialisés.

Culture comme pratique

Pour parler de culture de la ville, l’urbaniste doit être un représentant respecté et écouté de la culture de son époque : Il est donc sous-entendu qu’il est lui-même cultivé. D’autant qu’il intervient au niveau des concepts ou dans le champ du dessin(ein) urbain.

Culture comme contre-pouvoir

Le travail de l’urbaniste sur la culture de la ville est la manifestation d’une résistance à une société oublieuse de totalité et d’authenticité. La volonté de réguler une société “ fractale ” qui tend à accroître la ségrégation sociale et spatiale. C’est aussi une réponse à certaines perversions technocratiques…
Culture comme culture
CQFD