DEMANDE DE SAISINE DE LA COMMISSION DU DEBAT PUBLIC

Le 23 mai 2016, les professionnels de la ville et des territoires demandent à Emmanuelle Cosse la saisie de la Commission nationale du débat public
Par l’intermédiaire des cinq associations qui les représentent*, les professionnels de la ville et des territoires (urbanistes, programmistes, architectes, paysagistes, environnementalistes et ingénieurs) adressent un courrier à la ministre du Logement et de l’Habitat durable pour lui demander d’envisager la saisie de la Commission nationale du débat public.
Plusieurs raisons incitent à la saisie de cette autorité administrative indépendante dont le rôle est de donner la parole aux citoyens lors de l’élaboration des grands projets d’aménagement :
– reconnaître et comprendre les évolutions en cours, notamment la réduction des études à leur minimum fonctionnel qui met en péril la qualité des projets et contribue à l’appauvrissement progressif des compétences, augmente les risques de perte de nos savoir-faire et accroît les atteintes à notre environnement ;
– redéployer la réflexion amont sur tout projet d’aménagement, gage de qualité territoriale ;
– permettre une évolution de nos modes de faire et définir de nouveaux modes opératoires ;
– être attentifs à la nature et la qualité de la commande, anticiper, comprendre et prévoir avec les citoyens ;
– reconnaître et appuyer les professionnels de l’ingénierie dans leur capacité à accompagner le changement.
Cette démarche apporte la preuve de la volonté des professionnels d’améliorer sans cesse la qualité de la commande publique et des relations entre la maîtrise d’ouvrage et ses prestataires.
téléchargez la lettre ouverte à Madame la ministre
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ACAD (Association des consultants en aménagement et en développement du territoire),
CINOV SYPAA (Syndicat des programmistes een architecture et aménagement),
FFP (Fédération française du paysage),
SFA (Société française des architectes),
SFU (société française des urbanistes)

UNE ACTION COLLECTIVE FACE AUX DIFFICULTES DE LA COMMANDE PUBLIQUE

En 2014, CINOV SYPAA, ACAD et la SFA proposent de réunir les organisations représentatives des programmistes, urbaniste, ingénieur, économiste, paysagistes, architectes, etc., pour réunir tous les acteurs du projet urbain, d’aménagement, d’architecture … pour une action commune forte face aux difficultés d’évolution et de structuration de la commande publique. Le président de la SFU est invité à la deuxième réunion du groupe et la SFU s’associe à l’action, puis les paysagistes nous rejoindront.
Tous font le constat d’une profonde dégradation des conditions de la commande et d’un très grand écart entre le discours politique et la réalité de terrain. Les professionnels estiment la survie de leurs structures professionnelles souvent menacée. Et surtout, ils estiment souvent ne plus être en mesure d’agir pour l’intérêt général.

LES CONSTATS PROPOSES PAR LA SFU LORS DE LA TROISIEME REUNION :

Crise économique
Le marché se resserre et l’urbaniste ne dispose plus du tout dans les prix actuels quand il est libéral ou dans les temps actuels quand il est salarié, de la capacité de porter des enjeux qui aillent au-delà de la demande du maître d’ouvrage et du périmètre de la commande. Or l’urbaniste a le devoir de poser les bonnes questions à la bonne échelle, même quand elles vont au-delà des limites imparties à sa mission.
Défaut de commande
Apparaît simultanément un manque de commande prospective en urbanisme : les commanditaires n’en voient plus l’utilité. Alors plus personne ne se saisit des questions essentielles : qui pense le devenir du territoire ? Tout est de plus en plus règlementé et encadré jusqu’à l’absurde et pourtant les découpages laissent de larges blancs dans la géographie et des vides thématiques ; on ne pense pas la réalité du recouvrement des questions et de l’imbrication des territoires. Chacun s’arrête à sa limite légale, technique ou contractuelle. Pour résoudre ce problème, au lieu de penser la complexité, on agrandit les périmètres. C’est une fausse solution.
Technicisme
La commande est souvent trop précise ou trop technique, ou plutôt technique à contretemps, comme si le commanditaire ne maîtrisait pas correctement la pensée progressive d’un projet.
Des cahiers des charges flous
Depuis le début du XXIème siècle on note une forte régression dans la rédaction des cahiers des charges d’études. Il est très souvent impossible de comprendre le niveau d’étude attendu, malgré une inflation de définitions, de contextualisation, de précisions contractuelles…
Un cout absurde de la dévolution des études
Des statistiques montrent que pour une collectivité territoriale ou un organisme public, la mise en concurrence et la dévolution d’un contrat d’étude demande en moyenne un investissement qui représente 20 à 25% du montant du marché d’étude (contre 10% dans l’industrie privée). Ajoutons que pour les structures consultées, l’investissement dans les réponses aux appels d’offres représente également des montants très importants. Au final pour une étude réalisée, la dévolution du marché représente entre le tiers et la moitié de l’investissement en temps ou en travail, sans que cet investissement ait une autre utilité que la réponse aux règles de la concurrence.
L’empilement des règles
L’activité normative ou quantificative semble s’emballer. Cette énergie créatrice gaspillée ne pourrait-elle pas être réorientée dans des directions de travail créatrices ??
HYPOTHESE OPTIMISTE ?
A partir de ses réflexions des journées mondiales de l’urbanisme, la SFU propose malgré tout une hypothèse optimiste : certains aspects de cette complexité et de ces blocages pourraient n’être que transitoires et être le symptôme d’évolutions plutôt positives :
– Le surcroît d’acteurs serait lié à la décentralisation et à l’expression de tous, impossible auparavant,
– L’imprécision et la technicité déplacée, le surcroît de normes seraient l’expression d’attentes de plus en plus transversales et nombreuses qui s’exprimeront progressivement mieux,
– Le flou des cahiers des charges pourrait être dû à la volonté d’ouverture des questions, en effet il apparaît de plus en plus impossible de décrire de façon simple le déroulé des études et des projets.
Si cette hypothèse optimiste est réelle, alors oui, une action collective positive est possible. et elle est urgente, car tous, acteurs du projet au sens large, dans nos différentes disciplines, nos différentes compétences et nos différents modes d’exercices, rencontrons des difficultés semblables.