Suite à une visite de la cité jardin emblématique, organisée conjointement par la SFU et la COFHUAT, cette dernière a souhaité recueillir l’avis de la SFU à travers un interview que l’on retrouve sur son site internet et que nous restituons intégralement ci-dessous.
Pour retrouver la publication sur le site de la COFHUAT cliquez ici.
Paris, le 12 juillet 2023
Interview de la SFU par la COFHUAT,
Suite à la visite de la cité jardin de
la Butte Rouge à Châtenay-Malabry,
le 14 juin 2023
Qu’est-ce qui fait de la Butte Rouge un site exceptionnel à préserver ?
A travers le monde, nous ne connaissons pas d’autres entités urbaines qui soit aussi représentative de ce qu’il faut faire en matière d’urbanisme. Nous avons donc créé un atelier international des cités jardins pour révéler tous les savoir-faire qui caractérisent cette opération exceptionnelle et pour capitaliser sur ces richesses.
Cette cité témoigne magnifiquement de la grande page urbaine et sociale de l’urbanisme du XX° siècle. On la doit à la volonté de Henri Sellier, ministre du Logement et député de la Seine, qui souhaitait offrir un cadre de vie de qualité au logement social et aux familles ouvrières.
La construction de la cité jardin, qui a fait appel aux meilleurs urbanistes, est un exemple de continuité : pendant les 50 ans qu’a durée la construction, aucune concession n’a été consentie ; la composition urbaine et paysagère est toujours restée d’une exceptionnelle qualité. Cette harmonie sur un périmètre aussi vaste et sur une durée aussi longue est unique. Elle témoigne de la force des conceptions originelles mais aussi d’un savoir-faire hélas perdu : celui de la continuité.
L’unité foncière dans laquelle se développe l’opération est l’ancien parc d’un château. Les urbanistes architectes ont tiré le meilleur parti du site et des arbres existants. Cette parfaite symbiose entre les masses bâties et le paysage s’est poursuivie tout au long des 50 années qu’a duré la construction des 4000 logements. Cet espace de biodiversité habitée doit servir d’exemple à l’heure où le rapport à la nature redevient une préoccupation centrale pour l’aménagement urbain.
L’accroche au relief est remarquable, les rues de dessertes suivent les courbes de niveau, tandis que des venelles et les escaliers traversent les pentes, desservent des jardins partagés et convergent sur des places où se retrouvent activités, services et équipements. La composition urbaine des espaces publics est exceptionnelle.
La transparence entre les cœurs d’îlot, les espaces jardins privés, la forêt voisine est remarquable. La diversité des points de vue sur le paysage est sans cesse renouvelée. L’art de la perspective et de l’embellissement urbain est ici synthétisé dans toutes ses composantes.
Quatre mille logements sur 70 ha, c’est aussi une densité identique à celle des « 4000 » de La Courneuve. Pourtant, La vie urbaine y est d’une qualité incomparable : la Butte Rouge nous montre ce que peut ou doit être une densité bien vécue !
La Butte Rouge est une avant-garde urbaine qui devrait servir de jalon pour les conceptions urbaines actuelles : c’est un « Eco – Quartier durable historique » dont les qualités environnementales sont mesurables : un quartier de fraicheur urbaine, de gestion raisonnée des eaux pluviales, de biodiversité et de services urbains innovants.
Son architecture, qui offre une grande diversité de typologies, a déjà fait l’objet de réhabilitation thermique et a une réelle capacité d’évolution.
Que savez-vous du projet de la municipalité qui entend restructurer la Butte Rouge ?
La commune de Châtenay-Malabry connait une croissance urbaine soutenue basée sur l’attractivité de logements construits en « blocs », selon les préceptes immobiliers d’aujourd’hui. Cette croissance est encore favorisée par une nouvelle accessibilité : le tramway.
L’équipe municipale actuelle souhaite donc poursuivre ce processus de densification et de renouvellement des populations sur les emprises de la cité jardin.
Lors de l’enquête publique pour la révision du PLU autorisant ces transformations de la cité-jardin, de nombreux témoignages se sont manifestés en France et dans le monde pour dénoncer un projet qui occulte la dimension exceptionnelle de la Butte Rouge.
A travers la démolition/reconstruction des bâtis, cette densification menace fondamentalement la valeur intrinsèque du quartier, sa composition sociale, urbaine et paysagère dans un des secteurs privilégiés de la métropole parisienne.
Cela conduirait à la perte de quelque chose qui a beaucoup de valeur. Entre la démolition et la reconstruction, ce serait aussi un grand gâchis en termes de production de carbone.
La construction neuve entraînerait une banalisation et une uniformisation du quartier, à l’image des macro-lots déjà réalisés le long de l’avenue du Maréchal Juin. Elle conduirait irrémédiablement à une dégradation du paysage et de la vie sociale qui se cloisonnerait, se fragmenterait.
La mairie porte à présent un classement au titre des sites patrimoniaux remarquables, mais sur une petite partie centrale de la cité seulement. Nous ne comprenons pas que l’on puisse réduire un témoignage global de cette valeur à une si petite partie du site. C’est comme si vous décidiez de ne classer que le Grand canal de Versailles, considérant que tous les autres jardins alentours et le château ne valent rien dans la composition d’ensemble !
Nous ne pensons pas qu’il faut tout préserver en l’état, mais nous militons pour une étude bien plus approfondie et sur l’ensemble du périmètre de ce que l’on pourrait restaurer, ajuster, améliorer, dans le respect de la démonstration globale. Le classement doit en conséquence englober l’ensemble du périmètre originel de la cité jardin, à savoir 40 hectares.
A l’avenir, comment pourrait-on mettre en valeur la Butte rouge comme réussite urbanistique et sociale ?
Il faudrait valoriser ce site pilote à l’échelle planétaire. Il le mérite grandement. La Butte Rouge est d’ailleurs régulièrement visitée par des urbanistes du monde entier.
Depuis 1911, la Société Française des Urbanistes échange, agit et réagit sur notre urbanisme et notre cadre de vie. Elle représente aussi les urbanistes français au sein du Conseil Européen des Urbanistes.
A ce titre, nous avons créé cet atelier international des cités jardins dont l’une des priorités est d’expliquer en quoi ces grands sites patrimoniaux sont des témoignages exceptionnels. Nous essayons aussi de mieux cerner cette pensée généreuse qui a conduit à la construction de cités jardins, à divers endroits et selon diverses modalités, mais toujours avec un même souci du bien-être. Comment expliquer un tel essor pour structurer un idéal urbain que l’on cherche désespérément à retrouver aujourd’hui ?
Il ne s’agit pas de figer ce quartier, mais bien de le mettre en réseau avec les quartiers voisins et les cités jardins emblématiques des autres pays du monde. Le potentiel de vie sociale et de mise en œuvre des transitions climatiques, sociales, écologiques et paysagères reste, encore aujourd’hui, source d’inspiration.
Ce potentiel pourrait d’ailleurs être davantage exploité pour ouvrir la cité de la Butte Rouge aux habitants des quartiers voisins. Certains lieux ont une dimension réellement théâtrale et pourraient, par exemple, accueillir des événements festifs ou culturels réunissant les habitants de toute la ville.
Nous sommes persuadés que, dans un avenir proche, la Butte Rouge sera reconnue comme un lieu incontournable qui témoigne d’avancées urbaines remarquables. De ce que l’on a réalisé de meilleur.
Notre ambition ultime serait qu’elle devienne une étape incontournable d’un parcours européen – voire mondial – des cités jardins.
A PROPOS DE LA SFU
La Société Française des Urbanistes, fondée en 1911, est une organisation indépendante, un lieu d’échange et de réflexion permanente. Créée au début du XXème siècle au sein du Musée Social, la Société Française des Urbanistes reprend, comme à son origine, son rôle moteur dans la préparation des débats sur l’évolution des villes, des territoires et sur la vie de l’homme dans son environnement.
La SFU représente les urbanistes français au sein du Conseil Européen des Urbanistes. Elle accueille aujourd’hui de nombreux nouveaux adhérents soucieux de répondre aux questions de la ville.
La SFU met à disposition les résultats de ses travaux sur son site internet www.urbanistes.com et sur sa Chaîne YouTube dédiée à l’urbanisme (Taper « SFU-Société Française des Urbanistes » sur YouTube)