Congrès CINOV 2019 – Mise en perspective de la loi Cornudet au regard de 100 ans d’urbanisme

 

Mathilde Guittard – avril 2019

Arras, c’est avec la région des Hauts de France le territoire de la rev3 – ou « troisième révolution industrielle » –, où élus, citoyens et entrepreneurs locaux s’engagent dans le virage énergétique et numérique de notre siècle. Un territoire labellisé territoire de la transition écologique, qui joue sur tous les tableaux pour attirer de nouveaux emplois et gagner en attractivité.

Franck Faucheux, Eiffage aménagement, participait au congrès 2019 du CINOV (fédération des syndicats des métiers de la prestation intellectuelle du Conseil, de l’Ingénierie et du Numérique) à Arras sur la table ronde « Habitat, cadre de vie et nouveaux usages », avec Anne-Sophie Perrissin-Fabert, Directrice de l’Alliance HQE-GBC et Richard Trapitzine, Ingénieur géomètre, docteur en urbanisme et membre de la Société Française des Urbanistes.



Les principes de Cornudet au regard de 100 ans d’urbanisme (de gauche à droite : Jacques Perotto, Franck Faucheux)

 

Ce fut l’occasion de célébrer les 100 ans de la loi Cornudet, première loi traitant de l’urbanisme, qui instaurait la planification en France, mettant en avant – par les Plans d’Aménagement, d’Embellissement et d’Extension – des concepts qu’il est intéressant de questionner au travers des projets urbains actuels : la recherche du « Beau » voire du « Pittoresque », la « croissance » planifiée des villes comme une extension de leur territoire, les principes hygiénistes qui ont façonné l’aménagement et les formes urbaines. Qu’en reste-t-il 100 ans plus tard quand le projet urbain est régi par PLU, SCOT, Label EcoQuartier et autre certification HQE ? N’est-on pas tombé dans la standardisation totale ?

Cette mise en perspective est le prétexte de nombreux questionnements non seulement sur la manière dont on fabrique aujourd’hui la ville, mais aussi, à l’aune d’une ère qui se veut plus économe en ressources, sur l’avenir de de notre patrimoine urbain, de ses échecs comme de ses réussites. En vrac, quelques questions qui ont émergé lors de cette conférence.

Quel avenir pour les lotissements construits dans les années 70 ? Cette figure urbaine bien connue, qui a recouvert une partie du paysage français, pose aujourd’hui plusieurs questions en lien avec la densité de l’habitat et le vieillissement de la population. Peut-on sortir du « tout voiture » ? Avec quelles offres de mobilité ? Quelles peuvent être les solutions de services pour des populations vieillissantes dont les besoins changent ? Ce cas d’étude est également l’occasion de souligner le rôle des directives réglementaires et des orientations territoriales, qui sans nécessairement les imposer dans les plans communaux facilitent de facto l’apparition de certaines formes urbaines au détriment d’autres.

Quelle place pour l’identité architecturale du territoire dans un écoquartier ? La recherche du « beau » et du « pittoresque » semble s’être perdue entre le millefeuille administratif et les exigences environnementales. La standardisation apparente, si ce n’est qu’elle inquiète, tout du moins questionne : à qui doit-on ces écoconstructions étrangement toutes semblables, entre bardage bois et touche de végétalisation ? Entre des acteurs de la construction qui se désolent de voir leur inventivité prise en étau entre le prix du mètre carré à construire et la performance environnementale, un code de l’urbanisme (15 000 pages et 35 cm !) qui entend prévoir toutes les dérogations et exceptions – mais alors, qu’est-ce qu’une exception ? –, et des élus qui, dans la tempête, se raccrochent à leur PLU, on ne saurait à qui attribuer la faute, si faute il y a.

Quelle évolution entre les enjeux urbains de l’aménagement de Cornudet et le nôtre ? La dimension hygiéniste qui motive « l’aération » des villes pour Cornudet a évolué vers le concept plus large de santé. Selon l’OMS, « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Comment alors conserver « l’humanité » de nos villes, ce qui fait que l’on s’y s’en bien ? Urgence climatique, bien vivre ensemble, pollution… autant de nouveaux enjeux que l’ensemble des acteurs du territoire doivent digérer pour proposer ensemble les projets urbains de demain.

Comment améliorer le système – multi-acteur et multi-réglementaire – de production de la ville, qui se voulait constructif et se retrouve parfois contre-productif ? Comment prendre le contrepied d’une approche d’empilement des normes et de superposition des acteurs sur des temps courts liés aux projets – qui pourtant s’inscrivent dans un temps long de construction de la ville ? Comment mieux corréler la politique de la ville aux besoins de ses habitants ? Une approche systémique et participative, sorte de cycle vertueux faisant dialoguer tour à tour tous les acteurs du projet urbain – dont les habitants –, serait-elle la réponse ?