DEVENIR URBANISTE
Une même formation pour les nombreux métiers des urbanistes.
Les métiers de l’urbanisme vont de fonctions très techniques à des rôles de direction ou de conseil aux politiques, en passant par la conception et la gestion des projets. Ces métiers s’exercent dans le cadre de collectivités territoriales, de services de l’état, de grandes sociétés ou de bureaux d’étude privés, et aussi en exercice libéral. Leurs objets sont : l’étude, la transformation et la gestion des territoires et des villes.
Les compétences des urbanistes sont toujours transversales et multiples. Les sciences humaines ou politiques y côtoient la géographie, l’architecture, l’ingénierie, l’étude des déplacements, de l’environnement, etc. Le croisement des compétences et l’ouverture sont indispensables en urbanisme, par essence un travail complexe.
La formation à la profession d’urbaniste doit donc initier à un très large éventail de connaissances et de techniques et former de façon approfondie à celles qui constituent le socle de la discipline, ainsi qu’au croisement de ces savoirs et à l’éthique de l’urbanisme. Les grands principes de formation requis sont définis en Europe par le ECTP-CEU[1] en relation avec AESOP[2]. En France[3], ces principes sont déclinés par l’OPQU et ses administrateurs coté professionnel et par l’APERAU et ses Instituts d’Urbanisme coté enseignement.
La formation requise
La formation requise est de niveau Bac + 5 après trois années d’études intégrées en aménagement et urbanisme (L3, M1, M2) ou bien au minimum deux années complètes de formation spécifique (M1, M2), validées par un Master en urbanisme ou son équivalent. Les formations francophones reconnues sont réunies dans une association intitulée APERAU (Association pour la promotion de l’enseignement et de la recherche en aménagement et urbanisme).
En France, les établissements accrédités par l’APERAU s’appellent Instituts d’Urbanisme, de Lyon, de Grenoble, de Bordeaux, etc., ou bien Institut d’urbanisme et d’aménagement de Lille, Institut d’urbanisme et d’aménagement de la Sorbonne, Institut d’urbanisme et d’aménagement régional d’Aix Marseille (IUAR), IATEUR (Reims), IAUR (Rennes) ou Institut de Géoarchitecture (Brest), ou bien Ecole d’urbanisme de Paris ou encore Polytech Tours (Urbanisme et Ingénierie territoriale) etc.[4]. Certains de ces diplômes offrent une licence d’aménagement en préalable et tous sont ouverts à une poursuite en doctorat[5].
Tous ont en commun une charte d’enseignement ainsi que la délivrance d’un Master d’urbanisme conforme aux critères de cette charte.
Accès en master
On accède aux études de master en urbanisme et aménagement à partir d’une L3 d’aménagement, ou à partir de L3 diversifiées, géographie, sciences humaines, sciences politiques, ou de l’équivalent d’une L3 en architecture ou en ingénierie. L’accès en L3 aménagement pour un cursus intégré de trois années en aménagement et urbanisme se fait depuis d’une L2 à partir des mêmes domaines cités ci-dessus ; aussi, mais plus rarement, depuis une prépa et depuis des formations plus techniques telles que DUT ou encore, de façon marginale depuis une licence professionnelle.
Il faut choisir son cursus initial (technique, économique, social, politique, ou composition spatiale, …) en fonction de son domaine d’excellence et de sa vocation, car cette formation initiale comptera dans l’exercice futur de la profession.
Les Master mention urbanisme et aménagement accrédités par l’APERAU ne comportent pas de spécialisation, pas plus que la qualification d’urbaniste à laquelle ils ouvrent. Tous répondent à la Charte de l’APERAU et aux critères de l’OPQU.
Cependant des options, voire une deuxième année spécifique, caractérisent l’un ou l’autre de ces diplômes en direction par exemple de la gestion des politiques publiques, de la conduite opérationnelle, ou de la conception urbaine. Nombre de ces diplômes sont co-habilités par les universités avec des écoles d’ingénieur ou des écoles d’architecture[6].
Autres études
Malgré la pluralité des Master d’urbanisme, pour les urbanistes qui souhaitent se consacrer principalement à la conception urbaine, le double diplôme de niveau BAC + 5[7] reste un passage fréquent. Car les Instituts d’Urbanisme n’offrent pas tous les outils nécessaires pour le projet d’urbanisme qui est pourtant le cœur de métier de l’urbanisme[8], sa finalité. Le constat est le même pour la conduite opérationnelle de l’urbanisme. Cette difficulté a probablement pour origine la fondation de l’enseignement universitaire de l’urbanisme dans le dernier quart du vingtième siècle, conduisant à axer les formations sur la gestion règlementaire et sur les politiques sociales en réponse aux nouveaux besoins qui apparaissaient pour la gestion des collectivités locales dans le cadre de la décentralisation, dans l’oubli partiel de la dimension conceptuelle et de la dimension opérationnelle.
La position hors université de l’enseignement de l’architecture et de celui de l’ingénierie continue aussi à rendre difficiles ou à fragiliser les échanges indispensables entre l’urbanisme et ces deux domaines, échanges pourtant fortement préconisés par l’approche décloisonné des enseignements universitaires contemporains et absolument nécessaires pour répondre aux enjeux professionnels actuels[9].
Sans passer par l’inflation d’un double diplôme doublant la durée des études, il reste possible pour le titulaire d’un diplôme d’architecte, ou de géomètre ou de sociologue ou d’ingénieur (parmi les nombreuses compétences attendues des urbanistes) de s’appliquer à devenir urbaniste.
Le chemin n’est pas facile. L’inscription à une année seulement de master d’urbanisme peut offrir des programmes adaptés dans le cadre d’une reconnaissance d’équivalences lors de l’admission puis des inscriptions pédagogiques ; ça reste une réponse individuelle. Certaines écoles d’architecture ou d’ingénieur offrent des spécialisations en projet urbain, urbanisme ou aménagement, sérieuses mais souvent pointues et donc incomplètes. Le titulaire d’un diplôme de niveau Bac+5 dans un domaine proche de l’urbanisme peut aussi compléter son bagage par l’expérience professionnelle et/ou par des formations continues à la carte.
Cependant, tant que le titre ne sera pas instauré, trop nombreux seront ceux qui ajouteront «urbaniste » à leur titre initial sans même se rendre compte qu’ils n’en n’ont pas la compétence.
L’instauration du titre d’urbaniste imposera de régler franchement ces problèmes et de construire de meilleures coopérations universitaires dans les domaines concernés.
La qualification d’urbaniste, un lien essentiel entre exercice professionnel et enseignement
L’Office Professionnel de Qualification des Urbanistes (OPQU) délivre la qualification d’urbaniste sur dossier et entretien. L’étendue des compétences et l’expérience du candidat sont analysées ainsi que sa capacité à percevoir les enjeux d’urbanisme et à agir en conséquence. La durée d’expérience requise varie selon les diplômes :
- Le titulaire d’un master d’urbanisme intégré en trois années d’étude peut demander sa qualification au bout de deux années d’exercice professionnel,
- celui d’un diplôme Bac + 5 moins spécifique au bout de trois à sept années d’exercice professionnel.
- Sans un diplôme proche de l’urbanisme, plus de dix années d’exercice professionnel en urbanisme sont requises pour un accès exceptionnel à la qualification, ou bien l’OPQU peut aussi conseiller un passage préalable par l’obtention d’un diplôme d’urbanisme par validation des acquis de l’expérience.
La charte de l’APERAU[10] (maintenant APERAU Internationale) et l’évaluation de l’OPQU[11] reprennent, précisent et affirment conjointement les critères auxquels doit répondre l’enseignement de l’urbanisme, à partir du champ universitaire et à partir du champ professionnel. La SFU leur reconnaît statutairement depuis 2011 cette compétence croisée.
La validation du titre d’urbaniste avec un diplôme et une expérience professionnelle est un dispositif très intéressant. La posture d’urbaniste ne s’acquiert réellement qu’avec l’exercice professionnel. Il n’est pas possible d’inscrire entièrement celle-ci dans le cursus universitaire, d’autant que les diplômes ont des débouchés diversifiés, les diplômés ne deviennent pas tous urbanistes.
L’ouverture que donne ce dispositif vers d’autres diplômes et d’autres domaines professionnels est essentielle pour l’évolution permanente de la profession. Ce dispositif permet de reconnaitre de nouveaux domaines de la profession pratiquement en temps réel : Actuellement par exemple, les questions environnementales ont une place croissante dans l’exercice professionnel de l’urbanisme, cette évolution se traduit par la formation complémentaire de certains urbanistes sur des questions environnementales et par des travaux en cotraitance avec des environnementalistes. Quelques-uns de ces professionnels de l’environnement évoluent jusqu’à entrer dans le champ de l’urbanisme. En réponse à cette évolution, de façon simultanée l’OPQU délivre la qualification d’urbaniste à des professionnels issus de diplômes environnementaux, et au même moment ce domaine monte en puissance dans l’enseignement de l’urbanisme et dans les recherches en urbanisme.
Ce phénomène a déjà existé avec d’autres champs, en particulier avec les sciences sociales, puis avec les transports et déplacements. Nous espérons qu’arriveront bientôt parmi nous des spécialistes de l’économie industrielle, domaine trop longtemps tenu à l’écart de l’urbanisme et qui émerge dans les attentes sociales et dans les recherches en urbanisme et aménagement.
Profession, formation et recherche
L’urbanisme, science de l’action, a besoin d’une articulation souple entre la formation, la profession et la recherche.
Il faut rappeler aux professionnels que le champ de la formation en urbanisme ne se limite pas à ses relations avec la profession et à la future qualification professionnelle des diplômés. D’une part, la validation des diplômes est universitaire et elle est du rôle de l’Etat. D’autre part, l’urbanisme comme discipline universitaire a une légitimité dans le champ de la connaissance et de la recherche au moins aussi importante que sa légitimité comme formation professionnelle. La profession a quant à elle grand intérêt à garantir la pérennité et l’autonomie de ce deuxième champ universitaire que constitue la recherche. La recherche en urbanisme est l’une des conditions de l’actualité et de l’évolution de l’urbanisme.
Toutes les formations françaises accréditées par l’APERAU et par l’OPQU sont inscrites dans la mention « Urbanisme et aménagement ». La proximité de définition de la section 24 « aménagement de l’espace et urbanisme » du Conseil national des universités (CNU) offre une bonne continuité entre les activités d’enseignement et les activités de recherche. Les programmes ministériels donnent aux enseignements de master une double perspective, professionnelle et d’apprentissage de la recherche. Des textes récents donnent aussi ces objectifs conjoints aux études de doctorat.
« La section 24 rassemble les enseignants-chercheurs se réclamant de l’urbanisme et de l’aménagement de l’espace en tant que discipline scientifique. Le rôle de la section 24 est d’examiner les candidatures, en amont du recrutement ou de la promotion des enseignants-chercheurs. L’activité de recherche en urbanisme est assurée, à l’université, par les enseignants-chercheurs de la section 24, de façon individuelle et dans les laboratoires (la section 24 en tant que telle ne joue pas de rôle). L’APERAU joue un rôle important de mise en visibilité de ces recherches et de débat à l’échelle internationale, par l’organisation :
- de séminaires doctoraux accompagnés de publication,
- des rencontres scientifiques annuelles en urbanisme,
- du prix de l’article scientifique en aménagement-urbanisme,
- du prix de thèse sur la ville (actuellement avec le PUCA et la CDC) et
- la création de la Revue internationale d’urbanisme.
Ces manifestations et activités sont ouvertes aux enseignants-chercheurs ou doctorants de toutes disciplines, comme aux praticiens.[12] »
En urbanisme, des relations permanentes existent entre le milieu professionnel et la formation, car l’urbanisme est né d’un exercice professionnel et de la volonté de conduire son évolution. Bien entendu des relations existent aussi entre exercice professionnel et recherche, par le biais des professeurs associés, professionnels appelés à participer aux activités universitaires ou par le biais de missions d’expertise confiées dans un cadre professionnel à des universitaires spécialisés. Mais les relations restent distendues entre profession et recherche faute d’un cadre institutionnel pour une rencontre relation suivie et organisée. Or cette rencontre est non seulement nécessaire mais possible car dans une science de l’action comme l’urbanisme, les problématiques de recherche s’éloignent rarement du réel au point de devenir incompréhensible au professionnel, elles sont souvent en prise avec l’actualité récente voire présente et elles ont souvent des suites concrètes à moyenne échéance. Actuellement, on peut imaginer renforcer les liens entre exercice professionnel et recherche dans deux premières directions, la recherche appliquée et la production des données et connaissances à propos du territoire.
Recherche appliquée
C’est la recherche qui vise directement un effet réel. En urbanisme et aménagement, il existe de multiples objets pour elle, de l’expérimentation technique locale à la gestion participative, en passant par quantité d’études prospectives locales… L’atelier professionnel en master en est un bon support pédagogique et il existe aussi de nombreux ateliers collectifs. Ce qui fait souvent défaut c’est le croisement des résultats, l’accumulation des savoirs ainsi constitués, la montée en généralité et la communication. Des réseaux de recherche appliquée en urbanisme sont à créer.
Données et connaissances
En Italie, les universités participent très fortement à l’établissement des plans régionaux. Les plans sont tracés par des agences d’urbanistes privées, en association avec l’université qui assure souvent une très large part du travail de connaissance, de production et d’analyse des données à propos du territoire ou de la ville objet de la planification.
En France, les sociétés d’urbanisme privées et même les Agences d’Urbanisme parapubliques peinent aujourd’hui à exercer cette fonction de connaissance du territoire, pourtant essentielle pour leur travail et pour leur pérennité car elles sont souvent bousculées par une commande voulue « rentable » et par des coûts de plus en plus serrés. Universitaires, urbanistes privés ou Agences, chacun produit ses données avec ses objectifs et il y a peu de croisements. Beaucoup de richesse potentielle s’égare.
[1] http://www.ectp-ceu.eu/index.php/fr/about-us/charte-fondatrice?id=57#b L’annexe B à la charte fondatrice de l’ECTP-CEU définit les principes de la formation à l’urbanisme. La SFU et l’OPQU viennent de contribuer à sa révision qui sera achevée en 2017.
[2] Association of european schools of planning www.aesop-planning.eu
[3] En France l’enseignement spécifique de l’urbanisme commence en 1919 avec l’école des Hautes études en sciences urbaines et prendra sa forme actuelle très tôt, toujours défini dans une dualité et une complémentarité entre enseignants-chercheurs et praticiens de l’urbanisme.
[4] http://www.aperau.org/formations-accreditees.html
[5] A l’université, il n’y a plus de différence entre Master professionnel et Master recherche, tout au plus existe-t-il des enseignements optionnels de méthode et des stages plus tournés vers l’exercice professionnel ou vers la recherche.
[6] Citons le Master de l’Institut d’urbanisme de Lyon (IUL), co-habilité avec l’Ecole nationale des travaux publics de l’Etat (ENTPE) et les Masters d’urbanisme et aménagement co-habilités avec les écoles d’architecture à Bordeaux, Grenoble, Paris Ouest, Lille, Aix-Marseille…
[7] Architecte et urbaniste, ingénieur et urbaniste, paysagiste et urbaniste….
[8] Les statistiques des Instituts d’Urbanisme sur le devenir de leurs diplômés et les enquêtes réalisées par le CNJU montrent que de plus en plus de diplômés se dirigent vers l’emploi privé, mais qu’un hiatus existe toujours dans les débouchés des masters universitaires pour la conception urbaine et l’ingénierie.
[9] Voir la réponse de la SFU à l’Ordre des Architectes qui l’interrogeait en 2013 dans le cadre d’une réflexion sur la formation des architectes.
[10] L’Association pour la Promotion de l’Enseignement et de la Recherche en Aménagement et Urbanisme (APERAU) a été créée en 1984. L’APERAU a été reconnue officiellement comme association internationale francophone en 1997.
[11] L’Office Professionnel de Qualification des Urbanistes (OPQU) a été créé le 3 mars 1998, avec le soutien de l’Association des Maires de France et de l’Etat pour assurer une mission de service public, dans le cadre d’un protocole signé le 22 juillet 1998 avec les associations d’Urbanistes APUCT, AUDE, SFU, FNAU, FNCAUE et FNC PACT-ARIM, réunies dans la confédération du CFDU et le Ministre en charge de l’Urbanisme.
[12] Précisions apportées par Maurice Goze et Christophe Demazière, pour l’APERAU