JMU 2014 : L’équité urbaine, la synthèse

Du 25 octobre au 8 novembre dernier, la Société Française des Urbanistes organisait ses journées mondiales de l’urbanisme avec de très nombreux partenaires : Instituts d’urbanismes et universités, écoles d’architecture, CAUE, villes et communautés urbaines, départements, ainsi que le Ministère du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Chaque région organisait une rencontre sous forme d’atelier, de forum ou de visite organisée, à laquelle étaient conviés les associations, étudiants, professionnels, enseignants, chercheurs, élus ou artistes désireux de se joindre aux discussions.
Ces journées sont l’occasion, pour les urbanistes, de s’interroger sur leurs pratiques professionnelles, de débattre à partir de problématiques précises et de cas concrets, et de tâcher de gagner en profondeur dans leur pratique quotidienne grâce à ces temps de réflexion.
Équité urbaine : l’année de Medellín, le thème s’imposait
Il semblait naturel, pour l’édition 2014, de rester dans la continuité du travail entamé lors du forum mondial organisé par ONU-HABITAT en avril dernier à Medellín, en Colombie, et dont le thème était l’équité urbaine (voir encadré). Après avoir participé à l’étude du sujet à l’échelle mondiale, la SFU s’est proposée de le décliner dans les régions et sous divers angles pour déterminer comment, dans la pratique quotidienne en France, s’appliquait l’équité urbaine.
Car l’équité urbaine est fondamentalement l’un des piliers de l’urbanisme, et ce depuis que cette nouvelle discipline destinée à fabriquer une ville meilleure pour tous naissait, il y a un peu plus de 100 ans.
Mais comment prétendre à une équité urbaine en développement, avec pour volonté des « villes pour la vie », si les fondamentaux de l’urbanisme intégré, participatif et coopératif, ne sont pas posés, en terme de conception, de réalisation et de gestion? Face aux crises actuelles et aux inégalités touchant principalement les groupes vulnérables (personnes âgées, femmes, jeunes…), la Société Française des Urbanistes interpelle depuis longtemps les décideurs. Par quels moyens peut-on améliorer la redistribution des ressources de la ville et l’accès aux opportunités urbaines, en donnant une voix dans les processus de planification à la pluralité d’acteurs qui compose et façonne la ville ? Quels outils peuvent être mis à la disposition des autorités locales pour assurer la définition et la conduite d’un projet de territoire partagé ?
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Pour esquisser des pistes, les délégations régionales ont chacune choisi un thème en lien avec l’équité urbaine :

  • L’ARI-SFU (Ile-de-France) a choisi de traiter de l’équité urbaine en Seine-Saint-Denis : du mal-logement au bien bâtir ;
  • La SFU Nord-Pas de Calais et Picardie s’est penchée sur le lien entre équité urbaine et mobilité ;
  • La SFU PACA a fait l’inventaire des outils de l’urbaniste, des procédures, règlements en lien avec l’équité urbaine ;
  • La SFU Bretagne et Pays de Loire a abordé la question de l’urbanisme participatif et de l’équité urbaine ;
  • La SFU Aquitaine et Sud-Ouest a joint ses forces à un projet local d’envergure, Échanges Urbains, un grand rendez-vous bisannuel qui valorise les projets d’aménagement et d’urbanisme durable, dont le thème recoupe la question de l’équité urbaine ;
  • La SFU Rhône-Alpes s’attelait, enfin, à la notion d’équité urbaine dans l’espace public.

Les constats
L’origine de ces multiples réflexions provient du forum de Medellín, dont il ressort que les mutations opérées par la ville, qui ont contribué à modifier considérablement la qualité de vie des habitants, ont inspiré beaucoup d’autres pays. Grâce à un travail de fond, les liens entre les acteurs publics, les acteurs économiques et les habitants se sont tissés, par le biais des nouvelles infrastructures mises à disposition, qu’elles soient culturelles, sociales ou liées au transport. De quelle façon, en France, est-on capable d’adopter cette même logique qui consiste à améliorer l’existant sans commencer par faire table rase ?
Un premier constat s’impose : qu’il s’agisse de l’habitat, de l’espace public, de la mobilité, le mauvais accueil fait aux plus pauvres ou aux plus exclus est représentatif d’une baisse de qualité plus générale, d’une « punition collective » appliquée à tous. L’équité urbaine intéresse donc l’urbanisme dans son ensemble, elle doit être la raison structurelle, et non un enjeu complémentaire.
Autre constat : l’espace public subit un gros processus de normalisation, il devient un lieu bardé d’interdits et d’autorisations. Pourtant, l’espace public ne devrait pas être régi par des règles de droit mais par des principes d’urbanité. A l’origine, la volonté des décideurs semble bien tendre vers l’équité, puisqu’ils souhaitent, en (re)modelant l’espace public, offrir un site utilisable par le plus grand nombre, quel que soit son moyen de transport ou ses difficultés motrices. Pourtant la voie choisie, technique, morcelle plus l’espace public qu’elle ne rassemble. Une autre voie semble oubliée : l’urbanité, la politesse, la civilité… alors même que la ville est la racine de ces trois mots ! Miser sur le comportement civique des usagers, leur offrir d’appréhender l’espace public différemment en les accompagnant serait certainement un moyen plus sûr de tendre vers l’équité urbaine, en allégeant considérablement l’espace public.
Ces exemples sont la preuve que même avec la meilleure volonté du monde, une intention d’égalité simpliste peut parfois provoquer un résultat inverse à celui attendu. La cause en est souvent une faiblesse au niveau de la démarche globale du projet, qui se doit d’être approfondie et mûrie pour aboutir à un résultat probant. De multiples exemples d’infrastructures de déplacement ou d’équipement, dont les conférenciers se sont fait l’écho durant ces Journées mondiales de l’urbanisme, sont la preuve de la complexité de la démarche.
La démarche, justement, s’appuie sur les nombreux outils dont disposent les urbanistes, et ces outils ne sont pas neutres. Même les plus fonctionnels et les plus techniques en apparence peuvent être porteurs d’équité, pourvu que leur usage soit conscient, volontaire et non bureaucratique. Des projets récents s’approprient ce récit d’équité en adoptant une nouvelle approche du territoire. Tous les travaux d’urbanisme pourraient-ils ainsi avoir leur composante d’équité ?
L’équité urbaine passe non seulement pas une programmation très attentive pour répondre à tous les usages, par la science du concepteur pour créer un urbanisme qui réunisse, mais aussi par la gestion dans la durée avec les habitants ou les usagers. Car l’équité n’est pas forcément là où on le croyait lors de l’élaboration d’un projet. Il est nécessaire de poursuivre la réflexion pendant les travaux et après qu’ils soient terminés, afin d’améliorer le projet initial et d’inclure les usagers dans le processus, ces derniers étant les plus à même d’aider les concepteurs à tendre vers une solution optimale. Des expériences participatives ou coopératives relatées montrent l’importance de démarches différentes pour construire l’équité urbaine. La démocratie participative, qui semble enfin trouver sa place dans le débat national, est incontournable. Comme déjà à Medellín, on remarque que l’exemple dans ce domaine nous vient maintenant souvent des pays du Sud. L’échange et l’équité urbaine auraient-ils partie liée ?
Poursuivre la réflexion
Quelques questions manquantes ont été évoquées lors de la synthèse : le lien entre équité urbaine et stratégie économique, équité urbaine et risque, environnement et équité… d’autres comme la définition de l’équité ou la question de l’égalité territoriale ont traversé tous les débats.