Le Schéma de Développement de l’Espace Communautaire

LE SDEC  (SCHEMA DE DEVELOPPEMENT DE L’ESPACE COMMUNAUTAIRE)

PRESENTATION RESUMEE ET ANALYSES DES ENJEUX POUR LES URBANISTES

Par Charles LAMBERT, Urbaniste, ancien Président du Conseil Européen des Urbanistes

Grand Prix européen de l’Urbanisme 1991 pour Le développement de Genève en France

 

(4 pages  –  présentation en 4 séquences)

Cette présentation a été réalisée à l’occasion du Rendez vous de la SFU organisée le 12 novembre 2020.

 

1ere Séquence : LE CONTEXTE ET LA MANIERE DE TRAVAILLER POUR ELABORER LE SDEC

D’abord LE CONTEXTE de l’élaboration du SDEC

  1. Le SDEC, c’est Les années 1990 . La décennie de l’ambition de construire une Europe intégratrice, même si nombre des pays-membres étaient sur la réserve . C’était donc: Maastricht 1992, Libre Circulation des personnes, Cour de Justice, Monnaie commune, …
  2. Le SDEC, c’est une double pression :

La volonté de croire en la nécessité/en l’intérêt de repérer les  ressources  présentes sur le territoire européen pour les exploiter au mieux dans l’état d’esprit de l’époque tourné vers la magnification de la valeur de la compétition internationale qui a conduit à « la mondialisation » (souvenons-nous entre autres des intrigues mondiales de La Trilatérale, Raymond Barre, Henry Kissinger,..)

L’esprit de planification dans lequel se retrouvaient les successeurs des planificateurs français des années 1950/75 derrière De Gaulle : Pierre Massé, Delouvrier, Claudius-Petit, en particulier.

Il faut mentionner également que les Britanniques pourtant aussi en pointe que les Français d’alors en matière de professionnalisation de l’urbanisme, n’étaient absolument pas convertis – ni donc, préparés – à l’intérêt de la prospective en aménagement du territoire.

  1. Le SDEC, ce n’était pas le projet de planifier n’importe quoi , une région, un pays,…. . . .C’était planifier le territoire européen ! alors L’Europe des Douze (1986-1995) juste après la Réunification allemande.

Un territoire de 322,776 millions d’habitants-1986-

( pour comparaison : populations de référence à cette même date : 55,394 millions en France, 241,600 aux USA, 280,140 en URSS, 121,490 au Japon, et seulement 4,917 Milliards pour la population mondiale totale !)

.C’était juste au moment des négociations et de la signature du Traité de Maastricht (1992) qui introduisait entre autres la notion de Politique sociale et créait le Comité des Régions, et qui, malgré le principe de subsidiarité en faveur des Etats, envisageait quand même la possibilité pour l’Union Européenne d’intervenir à des niveaux où elle serait plus efficace que les Etats ou sur des actions communes.

.C’était juste après le Séminaire d’ISOCARP (25 personnes dont j’étais, un week end à Dordrecht en 1986), qui introduisit la notion de «sustainable development ». Le  Rapport Brundtland de l’ONU sur le même thème ne vint qu’un an après. pour mémoire !

LA MANIERE DE TRAVAILLER des équipes.

Elles ont travaillé au sein même des instances européennes (avec le concours de quelques consultants extérieurs).

Elles ont convaincu plusieurs fois les représentants officiels de la Commission Européenne, du Comité des Régions, du Conseil Economique et Social de l’Europe, de se réunir pour suivre et orienter leurs travaux.

Elles ont même petit à petit été incitées à envisager les effets d’un élargissement des compétences de l’U.E. Toujours inimaginable aujourd’hui.

Mais les Traités Européens prescrivaient l’obligation de décider à l’unanimité ce type de sujets. C’est malheureusement la France de Jacques Chirac représentée alors par le Commissaire Barnier, qui en a profité pour tout stopper s’appuyant sur l’argument du défaut de compétence de l’U.E en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire ! ( En fait, certains disaient alors que c’était  pour protéger l’attribution à la France d’une part très importante des crédits de la Politique Agricole Commune)( Pour tout dire, certains autres pays étaient bien contents de ne pas avoir eu à bloquer eux-mêmes le processus . Les acteurs de ce moment n’étaient pas d’accord entre eux sur l’enjeu européen ! Ils semblent l’être plus aujourd’hui, mais dorénavant avec 27 Nations au lieu de Douze et 450 millions d’habitants, pour reprendre une démarche de prospective d’aménagement du territoire européen il ne faudrait plus du tout s’y prendre de la même manière, et pour nous, professionnels en charge de ces sujets, il ne faudrait pas s’y prendre avec les mêmes arguments, pas avec les mêmes approches et surtout pas les mêmes représentations graphiques imbitables par tout un chacun et même par beaucoup de gens très éduqués.).

Il est resté quand même de tout cela des Programmes communautaires très efficaces comme le Programme INTERREG.    INTERREG IIB a, en particulier, a permis de financer pendant quelques brêves années, de véritables Mission pré-opérationnelles pour approfondir et tenter de mettre en place des espaces de coopération plus ciblés territorialement, notamment des dizaines d’ « Eurorégions » . Parmi celles-ci, l’espace Métropolitain Nord-Ouest de l’Europe –AMNO- ( un peu dans l’idée du Comité du Détroit actuelle) a fait l’objet de tout un ensemble de tentatives sous la direction de notre brillant collègue Philippe Doucet. Les autorités de Grande-Bretagne, par exemple, se sont petit à petit un peu converties à l’intérêt stratégique de la prospective en matière d’aménagement du territoire ; Et ce, jusqu’à accepter qu’ avec l’appui d’INTERREG IIB l’Université de Bristol conduise pour l’AMNO une démarche approfondie en équipe avec des professionnels du Conseil Européen des Urbanistes- Dominique Lancrenon ici présente, Jan Vogelj des Pays Bas et moi-même.

Il y eut aussi – il y a encore (à peu près) – les travaux de l’ESPON et de la CEMAT qui poursuivent également un peu le niveau de préoccupation du SDEC.

  2ème Séquence   QU’ Y AVAIT-IL DANS LE SDEC ?  en résumé

  • L’ OBJECTIF DU SDEC affiché au final :

VERS UN DEVELOPPEMENT SPATIAL EQUILIBRE ET DURABLE DU TERRITOIRE DE L’U.E

Définir à l’échelle de l’Union Européenne des objectifs politiques et des principes généraux de développement spatial en vue d’assurer un développement durable équilibré du territoire européen et respectueux de sa diversité.

 

  • LES TROIS PRINCIPES CONSTITUTIFS RETENUS

(déterminés et entérinés d’ailleurs dès 1995 lors d’une réunion à Leipzig )

 

  1. Développement Spatial polycentrique et Nouvelle relation Ville/Campagne

 

  1. Accès équivalent aux Infrastructures et au Savoir (pour mémoire, au départ il était proposé plutôt : Accès « équilibré » que Accès « équivalent » !)

 

  • Gestion prudente* de la nature et du patrimoine culturel

*(pour mémoire, il n’avait alors pas été possible de faire qualifier cette gestion de « sustainable »- soutenable- C’est « prudente » qui a été choisi ! avec toutefois  «  développement durable équilibré du territoire européen et respectueux de sa diversité » dans le texte retenu dans la publication des synthèses de la législation de l’UE avec également la triste mention « cette synthèse a été archivée et ne sera pas mise à jour, car le document correspondant n’est plus applicable ou ne reflète pas la situation actuelle ».)

  • LE S.D.E.C. – ESDP-  A ETE SIGNE A POTSDAM EN MAI 1999 – approbation informelle aux sens juridique et politique – par les Ministres compétents en aménagement du territoire des Etats-Membres de L’Union Européenne.

Il n’y a plus été fait référence officielle par l’UE depuis cette dat

 

3ème Séquence    QUE POURRAIT-ON EN RETIRER S’IL S’AGISSAIT DE REPRENDRE UNE DEMARCHE PROSPECTIVE DE DEVELOPPEMENT DE L’ESPACE EUROPEEN

 CHANGEMENTS ET LECONS A TIRER

  • Leçon n°1 – L’EFFET BOOMERANG TRES NEGATIF qui s’est produit sur toutes les démarches prospectives d’urbanisme à grande échelle territoriale ; effet qui se produit toujours lorsque les spécialistes en charge n’emmènent pas patiemment et régulièrement avec eux les décideurs et leur clientèle.

Résultat dans le cas du SDEC : le Stop français a déclenché une « marche arrière-sauve qui peut » de l’Europe sur la démarche prospective d’organisation commune des atouts d’un » territoire européen » ( y compris au sein même des pays qui en avaient la culture comme la France où depuis cette période on se contenterait presque d’avoir nos 36000 ambitions communales comme projet prospectif si l’émergence involontaire de métropoles n’avait pas incité petit à petit à contourner un peu l’application populiste et électoral qui a été fait des Lois Defferre de 1982-83)

  • Leçon n°2 – TOUT A CHANGE PRATIQUEMENT DEPUIS LORS EN EUROPE… sauf le cas particulier de l’Europe du Nord-Ouest, il faut le souligner.

CE QUI A CHANGE: Le territoire de l’Europe unie est profondément modifié.

: La démographie a beaucoup changé, notamment avec l’ouverture des migrations intercommunautaires et le recul des natalités comme en Allemagne réunifiée, et plus globalement avec l’inquiétude des populations à qui on ne fournit pas de projet d’avenir.

: L’état dans lequel   se trouvent les différents pays de l’Union s’est beaucoup bouleversé. Les nouveaux poids politique et économique de certaines « régions d’europe » auront de fortes conséquences sur le développement du territoire de l’Union dans les trente prochaines années. ( Par exemple : l’espace géographico-politico-economique de la Plaine du Danube avec Bratislava, Vienne, Prague et même Munich , est devenue une « nouvelle  Europe-du-Nord-Ouest potentielle » or, elle n’était même pas constituée il y a 30 ans et elle est bien plus crédible que les balivernes de « banane bleus » que les géographes économiques ont voulu vendre à la gloriole des français).

: L’Environnement.  A l’époque, on allait jusqu’à qualifier d’ »ambivalent » le thème de l’environnement dans les commentaires rapportés en marge  des études du SDEC. On déclarait même « intact » l’environnement des « Pays de l’élargissement » (PECO) par rapport à celui des 12. L’Environnement est désormais devenu un tout autre enjeu complétement déterminant aujourd’hui. Il sera d’autant plus déterminant qu’il est toujours potentiellement encore conflictuel en Europe, en raison de l’ampleur et de la diversité du territoire européen et des diverses situations des Etats européens.

: L’espace nous est-il commun ? Dans certains milieux éclairés il y a de plus en plus une prise de conscience de la pertinence de la notion politique « d’espace public européen » mise en évidence par le philosophe allemand Jürgen Habermas que l’ECTP et la SFU avaient d’ailleurs invité pour développer cette idée lors du grand colloque de 500 personnes que nous SFU avions organisé à Paris en 2002 au Conseil Economique et Social. Ce concept, éminemment situé à l’intersection du « territoire » et du « politique », a fait son chemin depuis. (Par exemple : Dominique Schnapper sociologue Membre du Conseil constitutionnel français ou même Alain Touraine qui a déclaré lors d’un débat avec Mme Schnapper  « L’Europe sera mon Etat ; et la France, ou peut-être même le Pays Basque, sera ma Nation ! ».

 

  • Leçon n° 3 : TOUT A CHANGE AUSSI QUANT A LA PRISE DE CONSCIENCE ET LA REALITE DES ENJEUX DU DEVELOPPEMENT DU MONDE et donc en Europe.

Tout cet ensemble de constats constituent une nouvelle  preuve de la nécessité de rendre permanentes les démarches de prospective en matières d’aménagement du territoire dans les grands Pays. En effet, qui conteste la nécessité impérieuse de prospective en matières de santé et d’économie depuis Pasteur et Adam Smith. C’est le moment des urbanistes !

__________________________________ChL – 31 octobre 2020