Laurent Vigneau, co-président de notre association, attire notre attention sur un article d’Eric Charmes, intitulé « Haro sur le pavillon ? » paru le 14 juin 2022 dans La Vie des idées, revue en ligne éditée avec le soutien du Collège de France. Éric Charmes est directeur de recherche à l’Ecole Nationale des Travaux Publics de l’Etat (ENTPE) qui s’affiche aujourd’hui comme « Ecole de l’aménagement durable et des territoires ». Spécialisé dans les études urbaines, l’urbanisme et l’aménagement, il est membre du laboratoire « Recherches Interdisciplinaires Ville Espace Société » (RIVES, Université de Lyon, UMR CNRS 5600).
Un auteur avec des références remarquables, une revue prestigieuse, un titre d’article un tantinet provocateur, il n’en fallait pas plus pour que nous le signalions et donnions accès à sa lecture – avec l’autorisation de son auteur, cela s’entend – sur le site de la Société Française des Urbanistes.
Et quand on évoque un « article », il convient immédiatement de préciser qu’il se développe sur seize pages au long lesquelles Eric Charmes défend la thèse selon laquelle « il ne s’agit pas de nier la réalité des problèmes » liés à l’habitat pavillonnaire « qu’ils soient sociaux, écologiques ou politiques, mais de souligner que les solutions à ces problèmes résident dans (sa) transformation plutôt que dans sa mise en cause ». Plus qu’un article, on découvre ainsi une manière d’introduction à un débat dont l’auteur nous indique par ailleurs qu’il est « loin de pouvoir être clos ». Et, en effet, avant que de le clore il conviendrait pour l’ouvrir de préciser la définition de quelques termes, sans quoi on s’expose à chicaner plutôt qu’à débattre, ou bien à croire qu’on est d’accord tandis qu’on n’évoque pas les mêmes objets. Ces imprécisions sont d’autant plus regrettables qu’elles viennent affaiblir un propos tout à fait intéressant puisqu’il tente d’introduire un peu de complexité là où on rencontre un discours excessivement simpliste – mais probablement pas aussi hégémonique que semble croire Eric Charmes – qui voudrait qu’en dehors de l’habitat collectif, point de salut (1).
Par exemple, si l’auteur prend soin de rappeler au début de son article que la maison individuelle peut prendre des formes très variées, « des maisons de village sans jardin aux rares châteaux », il semble parfois oublier cette distinction par la suite. Il indique ainsi que la critique du pavillon se fonderait nécessairement sur « l’idéalisation de l’habitat collectif ». C’est un peu court jeune homme ! aurait sans doute répondu Cyrano à l’énoncé de cette affirmation quelque peu péremptoire. Nul besoin de mettre l’habitat collectif sur un piédestal pour élaborer une critique de l’habitat pavillonnaire : la maison individuelle, comme cela a été évoqué plus haut, peut prendre de multiples formes, de la « semi-detached » dont les britanniques nous ont proposé maints exemples, aux maisons en bande, en passant par les maisons de ville dont nombre de villes du Nord ont fait usage pour se constituer. Ces formes sont souvent autrement plus riches du point de vue architectural, comme de la grammaire morphologique qu’elles utilisent ou des espaces publics qu’elles génèrent en creux, que le pavillon isolé sur sa parcelle. Elles proposent en outre un autre «rapport au monde de (leurs) occupants », pour reprendre les termes utilisés par Eric Charmes (2).
Plus loin, l’auteur appuie son analyse sur des statistiques diverses qui font référence aux « maisons » sans que soit opérée une quelconque distinction typologique entre elles. De quoi parle-t-on alors ? Ailleurs, on aurait apprécié que soit précisée la différence faite entre les « grandes » et les « petites » villes évoquées dans l’article.
Enfin si, comme il nous l’indique, les solutions aux divers problèmes soulevés par l’habitat pavillonnaire résident dans sa transformation « plutôt que dans sa mise en cause », on pourra lui objecter qu’il ne s’agit pas de faire table rase des pavillons qui mitent notre territoire national ou qui ont colonisé les franges rurales de nos villes et vis à vis desquels il y a lieu en effet de réfléchir aux actions à mettre en œuvre pour leur conférer un tant soit peu d’urbanité, mais bien de proposer d’autres modèles aux populations pour lesquelles seule la maison individuelle est un mode d’habiter acceptable.
Que ces quelques remarques ne vous empêchent pas de lire Haro sur le pavillon ? en cliquant ici. Cet article original et documenté nous interroge et nous invite à réfléchir à comment rendre le développement urbain supportable. Aussi n’hésitez pas à nous faire part (sfu@urbanistes.com) des commentaires, avis, observations et autres suggestions qu’il ne manquera pas de susciter. L’« Espace membres » du site Internet de la Société Française des Urbanistes est notamment fait pour ça.
Bruno Feracci, vice-président de la Société Française des Urbanistes