Quel urbaniste pour un urbanisme populaire ? – JMU 2014 – ARI SFU

Le dernier thème de la journée organisée par l’ARI-SFU réunissait élus, artistes, anthropologue et urbanistes dans un débat animé par Jérôme Bouvier, journaliste médiateur à Radio France. Ensemble, ils ont tâché d’imaginer comment les urbanistes pourraient envisager d’autres projets pour ces habitats populaires, afin de mieux les intégrer à la vie locale.

Erwan Ruty, rédacteur en chef de Presse & Cités, a entamé cette discussion en présentant le témoignage d’un jeune habitant expulsé de sa tour pour destruction, et relogé 200 mètres plus loin. Un témoignage surprenant, empreint de nostalgie, où le jeune homme explique que cet immeuble de 13 étages qu’il a quitté il y a plus de 20 ans, était selon lui le cœur du quartier. Depuis, même en vivant à côté, il estime avoir été déraciné, expliquant que l’« on ne peut pas s’adapter à un autre mode de vie dans un autre ghetto, un autre quartier. » Ce témoignage pose la question de l’identité, du rôle joué par l’environnement direct de la personne dans sa construction.

Le sénateur de Seine-Saint-Denis Claude Dilain a poursuivi la discussion sur la place des habitants dans le processus de décision qui précède les modifications apportées à un quartier : quel devrait être le rôle de l’élu ? Et comment, par le biais notamment de la démocratie participative, peut-il s’assurer de bien entendre et d’intégrer les besoins et attentes des habitants ?

Le regard sensible de l’artiste a permis de partager leur réflexion sur la question de l’habitat populaire. Martine Feipel et Jean Bechameil ont notamment travaillé sur ces grands ensembles de banlieue, construits en masse dans les années 1950-70.

Crédit photo : Feipel & Bechameil

CRÉDIT PHOTO : FEIPEL & BECHAMEIL

Véritable utopie sociale de ces années, ces tours imposantes, qu’ils ont reproduites en six sculptures monumentales de près de quatre mètres de haut, interrogent sur l’évolution de nos idéaux au fil du temps. Passablement défraîchis, ces bâtiments sont aujourd’hui noircis, délités et pour une partie, sur le point d’être rasés. Le rêve qui avait accompagné leur construction -l’accès à un logement équipé et moderne pour des familles populaires- est aujourd’hui brisé. Et quel meilleur symbole de la fin d’une époque, qu’une tour qui s’effondre du fait de sa destruction programmée ? Pour être remplacée par quel idéal ?

L’anthropologue et urbaniste Sylvain Grisot a ensuite embarqué les participants pour une visite virtuelle du plus grand bidonville de France, situé à Mayotte.

Source : Sylvain Grisot

SOURCE : SYLVAIN GRISOT

Il a mis en exergue l’incompréhension qui règne entre les politiques, à l’origine d’arrêtés préfectoraux pour raser les constructions illégales, et les urbanistes, qui tâchent d’améliorer l’habitat par petites touches, en construisant par exemple des maisons modulables en matériau local ou des toilettes en dur.

Source : Sylvain Grisot

SOURCE : SYLVAIN GRISOT

Raser, d’accord, mais pour proposer quelle solution ensuite ? Marie-Hélène Contal, directrice adjointe de l’Institut français d’architecture et commissaire de l’exposition « Réenchanter le monde » à la Cité de l’architecture et du patrimoine, a rebondi sur cet exemple pour partager ses interrogations quant aux différences de traitement de l’habitat populaire entre le Nord et le Sud. Reprenant l’exemple de Medellin, où des équipements publics et culturels ont été construits au sein des quartiers défavorisés afin de valoriser le lieu et d’apporter la culture aux habitants, les propos de Marie-Hélène Contal ont conduit le public à s’interroger sur la manière dont les pays du Nord pourraient s’inspirer des actions menées par les pays du Sud sur leurs bidonvilles, et les solutions qu’ils proposent afin d’intégrer la population à la vie locale, au lieu de les en chasser. Rehausser la fierté des habitants, les aider à s’approprier un territoire, à le valoriser, concevoir des passerelles entre ces quartiers et le reste de la ville, n’est-ce pas un moyen de faire évoluer le quartier à un rythme peut-être plus lent, mais aussi plus juste vis-à-vis de sa population ?

Enfin, la Ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité avait enregistré une courte allocution pour clôturer cette journée. Sylvia Pinel a souligné le souci, pour le gouvernement, de travailler sur la question de l’égalité des territoires, mais aussi de l’égalité dans les territoires, qui ne pourrait se faire sans le soutien des urbanistes. La ministre a également évoqué la Seine-Saint-Denis, où « l’État travaille à la mise en place rapide d’une opération d’intérêt national de requalification des copropriétés dégradées à Clichy-sous-Bois », où se tenaient les échanges, et dont les participants ont visité certains ensembles concernés par ce problème au cours de cette journée.